Les Italiens ont-ils bombardé le centre de la France ? par André GORGES

Le 10 juin 1940, l'Italie déclare la Guerre à la France et à l'Angleterre,alors que la France est pratiquement battue et que de nombreux réfugiés encombrent les routes. A partir de ce jour,les avions italiens sont accusés d'être les responsables d'un grand nombre de bombardements contre les villes et ,en rase campagne, contre les réfugiés. Les arguments sont irréfutables. On a parfaitement reconnu peintes sur les ailes et le gouvernail de direction des avions, les couleurs italiennes, vert, blanc, rouge. Certains avancent le fait que les bombes italiennes, en explosant ,font un bruit différent de celui des bombes allemandes. Enfin,d'autres encore qui ont voyagé en Italie avant la guerre, ont parfaitement reconnu des avions de marque Caproni avec leurs cocardes.
On ne peut pas mettre en doute la bonne foi de tous ces observateurs, pour tant, ils se sont trompés. Les Italiens n'ont jamais bombardé, en 1940,le centre de la France. Seuls, le Midi et l'Afrique du Nord ont subi des attaques aériennes.

Raisons pour lesquelles on n'a pas pu voir des avions italiens au centre de la France.

1 – Avant la déclaration de guerre italienne, la Régia Aéronatica (armée de l'air italienne) et la Luftwaffe (armée de l'air allemande) avaient signé un accord qui stipulait que les attaques aériennes italiennes en France, ne devaient se faire qu'au sud du 45ème parallèle, parallèle qui passe à peu près au niveau de Bordeaux.

2 – Personne n'a pu voir dans le ciel des cocardes vert blanc rouge puisque les Italiens avaient changé les marques de nationalité de leurs avions pour éviter des confusions avec les couleurs franco-britanniques: bleu blanc rouge.
Les nouvelles marques étaient les suivantes: sur les ailes trois faisceaux de licteur stylisés dans un cercle jaune , bordé de noir ,sur le gouvernail de direction la croix blanche de la Maison de Savoie, emblème du roi qui, sans aucuns pouvoirs régnait toujours. (voir les photos)

3 – Ceux qui avaient reconnu des avions Caproni avaient raison, mais leurs cocardes étaient françaises. En effet, l'armée de l'air, toujours à court d'avions et aussi pour essayer de sauvegarder la neutralité de l'Italie, lui avait acheté des Caproni 164 pour les écoles de pilotage et des Caproni 313 de reconnaissance et de petit bombardement, dont le cinquième exemplaire avait été livré cinq jours avant la déclaration de guerre .

Pourquoi, alors, tant de français aussi bien d'ailleurs les militaires que les civils ont crû voir partout des avions italiens? On peut penser que traumatisés par la défaite imminente outrés par ce « coup de poignard dans le dos » donné à une France moribonde, ils ont, par une sorte d'hystérie collective, attribué aux Italiens des bombardements qui étaient en réalité allemands. Ce qui est curieux, c'est qu'aussitôt après la fin de la guerre, des historiens sérieux ont pris pour argent comptant les dires des victimes des soit-disant bombardements italiens sur le centre de la France, pour affirmer la réalité de ces attaques, sans avoir tenu compte des changements de marques de nationalité .

Les Néerlandais, neutres en 1939 et dont les cocardes bleu, blanc, rouge auraient pu prêter à confusion avaient eux aussi changé leurs marques de nationalité, dès 1939, pour adopter des triangles, pointes en bas, orange bordés de noir sur les ailes et le fuselage. Les gouvernails de direction étaient peints en orange. Après la chute de Mussolini, le nouveau gouvernement italien déclare la guerre à l'Allemagne, le 25 juillet 1943 (la co-belligérance). La Régia Aéronautica combat maintenant au côté des alliés. Les avions italiens reprennent alors leurs marques de nationalité traditionnelles: cocardes vert, blanc rouge, gouvernail de direction tricolore. Le 23 septembre 1943, Mussolini, libéré par les Allemands crée dans le nord de l'Italie la République socialiste italienne qui combat avec eux. Les avions de cette république reprennent eux aussi les couleurs vert, blanc rouge mais peintes dans des rectangles.

Marques de nationalité d'avant-guerre

Reggiane 2000: drapeau tricolore sur le gouvernail de direction cocardes (invisibles) sur les ailes

Marques de nationalité

Caproni 135: trois faisceaux de licteur stylisés, peu visibles sur l'aile du Caproni 331

en 1940

Caproni 331: croix blanche de la Maison de Savoie, bien visible sur les dérives du Caproni 331