LETTRE DE M. P.K ROBINSON JUDD (31 07 1985) 114 Squadron
Je me rappelle être arrivé à VRAUX au moment d’une chute de neige continue et d’une chute rapide de température et la question était de savoir où nous allions être logé .L’ancien escadron ( XV Squadron ) n’avait pas d’organisation dans ce domaine, seulement un certain nombre de granges de greniers et de cabanes disponibles éparpillés dans le village.
Je me souviens de ma première nuit dans mon grenier en haut des escaliers sur un sol bétonné au – dessus d’une énorme étable , le sol était couvert de plumes de poulet au dessus de stalles pour chevaux et moutons. Dehors il y avait un gros tas de fumier, vous imaginez le parfum mais pas le froid et le fait d’essayer de dormir avec un minimum de couverture sur un sol en béton à VRAUX en 39. ( Ferme Fernand GUILLAUME ce jour Damien Collard).
Le lendemain plusieurs d’entre nous ont cherché un meilleur logement et nous avons trouvé une autre « chambre « en hauteur qui était en réalité un grenier à oignons fait d’un sol en planche.
Ce logement était aussi abandonné et nous avons fait un 3ème essai ; nous étions 4 ou 5 personnes je pense à tenter un autre logement qui faisait partie d’une ferme ; nous avons monté des escaliers en bois et traverser une trappe. Les propriétaires avaient l’air âgé ils étaient mariés , leur fils était dans l’Armée quelque part en Méditerranée. (Famille LADURELLE ).
La vieille dame était très victorienne dans ses tenues noires qui la couvraient des pieds à la tête. Elle se promenait avec une canne et bavardait constamment.
Je me souviens que pendant le temps très froid elle avait l’habitude d’apparaître sur le pas de la porte avec sa canne et montrait le thermomètre dehors qui indiquait –15° ou –20°. ( Ce thermomètre, Mr Robinson l’a retrouvé et ramené chez lui en 86 lors de sa venue à VRAUX gentiment offert par Gilles HOURY propriétaire de cette maison ).
Le fait d’aller au lit en haut était unique ; j’avais un petit espace près d’une fenêtre en bois qui fermait mal et je suis sûr que je portais plus de vêtement au lit que dans la journée. Aussi pour éviter que mes bottes ne gèlent , je les mettais dans le lit sous la paille. Pour la lumière nous utilisions des bougies achetées dans un magasin situé sur la place ( les Eccos).
Pour la toilette et le rasage il y avait beaucoup de difficultés puisque nous n’avions pas d’eau chaude et l’eau gelait sur notre barbe et dans les sourcils avant que la toilette soit terminée.
Le magasin les « Eccos » nous fournissait aussi des gâteaux de la limonade il était tenu par une mère et sa fille ; la mère était plutôt âgée et petite , la fille avait peut être 25 ans. ( Madame Renaud et sa fille Jeanne).
On avait des œufs dans une ferme d’un village voisin ; c’étaient les filles du fermier qui nous vendaient ces œufs et ces filles étaient très fortes , elles portaient des sabots en bois et des robes à smocks (tissus froncé). Elles étaient capables de pousser une brouette chargée de nourriture pour les animaux sans problème.
Pas très loin des « Eccos » près d’un sentier qui menait à l’aérodrome il y avait la cabane du NAAFI. Aussi au centre du village il y avait la boulangerie ( Famille MICHEL Raymond) où l’on pouvait acheter du pain au mètre, la fille était une beauté aux cheveux noirs.
Le village était fiers de son café où il y avait toujours beaucoup de monde le soir car les troupes venaient tester les différents alcools et avaient du mal à rester sobres. Les devoirs militaires commençaient avec la parade sur la place du village à 8 h du matin suivie par un défilé vers l’aérodrome et de cette façon on relevait la garde de nuit. Le QG s’appelait « La Maison Rouge » et chaque escadrille avait une tente pour les besoins administratifs.
A cause de la neige finalement on nous a donnés des grandes bottes en caoutchouc mais à cause du va et vient constant entre le village et l’aérodrome j’avais mal aux jambes car la peau s’irritait et pelait s’étaient les bottes qui frottaient sans cesse contre les mollets.
Pendant la majeure partie de l’hiver les avions ne purent voler puisque les moteurs étaient gelés et ne pouvaient pas démarrer. Plus tard l’escadron a eu des couvertures en toile qui tombaient jusqu’au sol pour couvrir les moteurs et on plaçait des petits poêle à huile dessous pour défiger l’huile moteur.
Je me souviens que nos armes (mitrailleuses) étaient gelées et ne pouvaient pas fonctionner. En ce qui concerne notre logement, la section armurerie avait déménagée officiellement dans un autre grenier.; cette chambre avait une mezzanine accessible par quelques marches en bois et on la nommait « the pop deck » ( la partie avant d’un bateau ).
Il y avait une grande poutre en bois dressée au milieu de l’étage sur laquelle nous avons cloué une cible à fléchettes. ( dans tous les greniers occupés par les troupes anglaises les portes sont piquées par les fléchettes ).
Il y avaient des camions qui nous emmenaient chaque semaine à Châlons aux bains chauds au restaurant ou même au théâtre. Il ne faut pas oublier l’aménagement de notre salle à manger dans une grange derrière le café, pour Noël nous l’avions décorée et lors de la soirée le clou fut quand l’adjudant a été hissé en haut d’une échelle il était décoré avec une guirlande fabriquée avec des ficelles.
Pendant cette guerre « Bidon » (la drôle de guerre)lorsque j’étais sur le terrain il y a eut un jour des avions de reconnaissance allemands qui sont sortis des nuages furtivement et qui ont vus nos positions ils sont repartis aussi vite. Pas un coup de feu n’a été échangé aussi loin que je me souvienne; l’attaque aérienne a eu lieu au petit matin du 10 mai 40; il faisait jour et à l’exception des mitrailleurs anti- aérien et des gardes et des mécaniciens les autres personnes étaient au village ( c’était le Dimanche), notre section était à la maison; je me souviens du bruit des avions allemands quand ils ont attaqués en passant au ras des toits; plusieurs explosions de bombe ont suivi et on entendait également le bruit des mitrailleuses.
Je me souviens que j’ai regardé juste au moment par la fenêtre un avion allemand passer il survolait la maison en face en émettant des tirs sur les maisons. Je pense que l’attaque à durer une demi- heure à peu près et aussitôt nous sommes allés au terrain où tout était détruit.
La veille de cette attaque tous les avions de l’escadron avaient été dispersés autour du terrain mais malgré cette précaution ils explosèrent ou il furent troués de balles et inutilisables.
Les fûts de pétrole ont été retrouvés intacts et c’est nous qui les avons détruits. Un des emplacements de mitrailleuse a été entouré de trous de bombe mais l’arme était intacte.
L’Armée de l’air allemande nous a laissé beaucoup de bombes non explosées sur le terrain je ne sais pourquoi ( Les allemands nous on expliqué en 86 que leurs bombes de 50 Kg étaient amorcées par une pile électrique et il fallait une hauteur de 50 m pour qu’elles puissent exploser, les avions étaient très bas , pour être très précis et en dessous de la ligne de tir des mitrailleuses britanniques donc quelques bombes furent inefficaces); je me rappelle qu’en tant qu’armurier nous avons dû mettre des repères avant de les faire exploser plus tard. ( on en retrouve encore)
Peu de blessé mais un sentiment de frustration pour nos troupes, le désespoir et l’acceptation totale devant le fait accompli; bien sûr nous étions contents d’avoir survécu.
Pour moi ce que je retiens de mon séjour à VRAUX ce fut le froid intense le manque de confort pas de chauffage et les toilettes; je me souviens du pain gelé et des boites de margarine, également les « devoirs militaires »à l’aérodrome quand je portais un vêtement de laine couvert de givre et les conditions horribles du retour au logement mais aussi de quelques belles matinées passées au terrain au printemps et bien sûr la fin tragique de l’escadron comme unité combattante.
Je voudrais dire en conclusion que les habitants de VRAUX étaient très sympathiques et hospitaliers.
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