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le bombardement de SUIPPES

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10 Mai 1940, le bombardement de SUIPPES par Monsieur André GORGES

J’habitais Mourmelon-le-Grand et j’étais inscrit en classe de 3ème au Cours-Complémentaire de Suippes (On dirait, maintenant, Collège) Comme l’internat avait été supprimé à cause de la guerre ,je logeais avec mon camarade Maxime, chez le menuisier du bourg.J ‘avais alors seize ans.
Tout près de Suippes L’armée de l’Air avait aménagé un terrain de desserrement qui fut occupé dès la déclaration de la guerre par le groupe de chasse 1/5 (1er groupe de la 5ème escadre de chasse) en provenance de la base 112 de Reims. Marin la Meslée qui, après la guerre , donna son nom à la base 112, appartenait à ce groupe. Les aviateurs de Suippes volaient sur Curtiss H-75 A. et s’entraînaient de façon intensive. Autre détail : le terrain avait été si bien camouflé avec des fausses pistes, des faux chemins ,que paraît-il, il n’était accessible par air, qu’aux initiés . Quelques jours avant le 10 mai fatidique on vit apparaître dans le ciel à très haute altitude, de nombreuses traînées de condensation. De quoi s’agissait-il? Peut-être des reconnaissances allemandes ?
Le 10 mai au matin ,nous apprîmes que la guerre venait de vraiment commencer. En fin d’après-midi, nous étions en étude quand un bruit d’avions nous alerta. Comme il n’y avait pas eu d’alerte nous pensâmes qu’il s’agissait d’avions français et nous nous précipitâmes vers la grande baie vitrée de la salle d’étude. Nous vîmes effectivement un groupe d’avions qui se dirigeait sur nous.
Je remarquai tout de suite la double dérive et les bords marginaux arrondis des ailes. Je ne saurai que plus tard qu’il s’agissait de Dorniers 17. Le pion nous demanda de nous éloigner de la baie. Nous lui obéîmes aussitôt. Heureusement car quelques secondes après, les vitres tombèrent avec fracas. Le bombardement commençait. La descente aux abris fut rapide. Quand nous sortîmes des abris le spectacle était navrant. Le sol était jonché de branches d’arbres, de débris de tuiles et de vitres. Chez notre logeuse la maison était intacte, mais sans vitres et il y avait cinq entonnoirs de bombes dans le jardin. La pauvre femme ,affolée nous dit : « Rentrez chez vous je ne peux plus vous garder! ». C’est alors qu’un problème se posa pour moi. Le moyen de transport classique à l’époque était le vélo. Or j’avais prêté le mien à un camarade. Il y avait donc 15 km (Suippes – Mourmelon) à faire avec un vélo pour deux. Il fut décidé de partir l’un d’entre nous assis surle cadre et l’autre pédalant; en se relayant bien entendu. Nous devions traverser Suippes ravagée. Sur la place un camion anglais brûlait plus loin une 202 Peugeot était suspendue par le pont-arrière à une poutre de maison endommagée ,encore plus loin, des flammes sortaient de toutes les fenêtres d’une grande maison bourgeoise, comme dans les films.
En sortant de Suippes je vis sur le bord de la route un militaire. C’était un vieux lieutenant réserviste que je connaissais bien parce qu’il habitait Mourmelon et qu’il était le père de mon meilleur camarade de classe en primaire. Il était aussi le commandant de la compagnie de l’air du terrain. Il me dit : « Peux-tu rapporter mon vélo à ma femme nous allons quitter Suippes et je n’en aurai plus besoin. ».Quelle aubaine pour moi. L’engin était antédiluvien . Il était équipé d’énormes pneus ballon et d’un système de rétropédalage : pour monter les côtes, on pédalait à l’envers.
Nous gagnâmes ainsi Mourmelon facilement .Mes parents qui venaient d’apprendre le bombardement de Suippes furent bien contents de me voir arriver.

Quelques renseignements concernant la journée du 10 mai 1940, à Suippes.

1- Les Allemands ne trouvèrent pas le terrain si astucieusement camouflé. Ils y lancèrent seulement quelques bombes qui firent peu de dégâts

2- L’Etat-Major d’une division cuirassée installé en ville était aussi visé. Or cet Etat-Major était parti depuis la veille. J’avais déjà remarqué qu’il y avait ,depuis
quelque temps, de nombreux chars B-1 bis cachés dans les villages voisins.

3- 270 impacts de bombes de 100kg furent comptabilisés.

4- On dénombra, hélas environ 80 victimes civiles.

Ce que m’a dit mon ami dont le père commandait la compagnie de l’air.

Il y avait à la compagnie trois ou quatre soldats indisciplinés qui semaient le désordre. Pour s’en débarrasser on les isola tout au bout du camp de Suippes, à la Main-de-Massige, avec pour consigne de téléphoner en cas cas d’arrivée d’avions ennemis. Ils étaient nourris par une unité de l’Armée de Terre et comme ils étaient braconniers et que les lapins de garenne pullulaient en ce temps là, ils étaient heureux. On appelait ça installer un guet aérien. Comme il ne se passait rien, ils avaient été oubliés. Pourtant le 10 mai ils prévinrent suffisamment tôt pour que les Curtiss en alerte depuis le matin aient le temps de décoller. Ils tombèrent sur les Dorniers. Ils en abattirent sept et un huitième fut descendu par la D C A du terrain. Les Français avaient trois avions hors de combat et trois pilotes légèrement blessés

Ce que m’a dit mon médecin de famille qui a été le médecin du G-C 1/5

Au moment du bombardement j’étais dans mon poste de secours installé dans le presbytère de Suippes. J’ai entendu un grand bruit mou dans le jardin. Je suis sorti armé de mon pistolet, par précaution. J’ai trouvé dans le jardin, le corps d’un aviateur allemand dont le parachute ne s’était pas ouvert.

Ce que m’a dit une camarade qui n’était pas au collège ce jour-là

J’ai vu un aviateur allemand sauter de son avion en perdition. On voyait bien qu’il n’arrivait pas à ouvrir son parachute. C’était horrible.

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